"J’ai vu éminents juristes déployer un trésor d’imagination pour faire passer des dispositions contraires à la loi"

31 décembre 20200
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Quelle substance inocule-t-on au Gabonais lambda une fois élu sous la bannière du PDG ?

Les pdgistes, ce sont nos concitoyens, des hommes et des femmes normalement constitués, ce sont nos frères, sœurs, parents, condisciplines. Ce ne sont pas des extra-terrestres, nous vivons ensemble. Nous avons vécu et vivons au quotidien, nous-mêmes, nos proches, nos populations, les mêmes difficultés. En privé, nous déplorons ensemble la situation du pays. Mais que se passe-t-il dans leur tête une fois élu ?

J’ai siégé à l’Assemblée nationale aux côtés des élus PDG ou, plutôt contre les élus PDG. Ce sont, et de plus en plus, des cadres de grande valeur issus de l’administration ou du secteur privé, qui ont exercé pour certains de très hautes fonctions. Sauf qu’au Parlement, je ne reconnaissais plus mes amis, mes collègues, mes aînés, mes supérieurs, croisés à différents parcours de notre vie commune.

Quand 1+1 = 2, si le président du Groupe parlementaire PDG, le genre de dictateur qu’il n’est pas souhaitable d’avoir à la tête de l’État, dit que c’est 3, tous répètent en chœur, 3 !

J’ai vu éminents juristes déployer un trésor d’imagination pour faire passer des dispositions contraires à la loi. J’ai vu des économistes reconnus dans leurs fonctions antérieures approuver sans amendements des budgets ou des dispositions fiscales à l’encontre de toute logique économique ou financière.
Je me surprenais à voir mes collègues du PDG approuver en privé mes prises de positions, m’encourager, me donner des arguments d’attaque mais, en commissions ou en plénière me désavouer ! Des amendements de grande portée économique ou sociale ont ainsi été rejetés parce qu’ils venaient du camp d’en face.

"Ce que tu dénonces, Jean Valentin, c’est pertinent, on est d’accord avec toi, après tout, c’est notre pays, mais...mais tu connais notre situation, hélas !", me répétaient-ils. Dans le secret de leurs bureaux, des responsables très hauts placés de l’institution me confiaient leurs états d’âmes, avouant leur impuissance.

"Jean Valentin, connais-tu la différence entre toi et nous", me demandait un jour un Grand ? "TU ES UN HOMME LIBRE !" rajouta-t-il.Qu’est-ce qui " attache" à ce point ces gens ? La crainte de perdre leur mandat ? On devient plutôt un héros auprès des siens et on peut rebondir. La crainte de la précarité probablement, car on observe que la perte de fonctions est souvent très durement vécue au plan moral, matériel et financier. Il suffit pour s’en convaincre d’observer la fragilité sociale des anciens parlementaires. Est-ce suffisant ? Le mystère demeure.

La meilleure, c’est quand au retour d’une mission parlementaire avec d’autres députés de la sous-région, j’ai soumis à mes collègues les niveaux comparés des rémunérations entre nos pays respectifs. Surprise : contrairement aux idées reçues, les Gabonais étaient les moins bien payés. Tollé général !
Vital Kamere, alors président de l’Assemblée nationale a affirmé du haut de la tribune du Palais Leon Mba, qu’en RDC, les députés gagnaient plus que les ministres. Au Gabon, c’est le contraire et l’écart est énorme.

Mes pairs du Congo Brazzaville, m’ont dit qu’un député ne doit pas "gratter la tête" devant un ministre. En plus des avantages financiers, le double de ceux des Gabonais, les députés se voyaient dotés d’un véhicule 4x4, double cabine ou statio-wagon, selon la formule : " Zéro franc, zéro kilomètre !", lequel devient leur propriété en fin de mandat.

En Guinée équatoriale, c’est secret d’État, nos collègues avaient peur de leur propre silence pour nous dire combien ils gagnaient mais c’était un silence en or. J’ai alors engagé, seul, le combat en faveur de la revalorisation des avantages dérisoires des parlementaires Gabonais. Car, les apparences sont trompeuses, comparés aux membres du Gouvernement, excepté les membres des Bureaux, nos élus sont de véritables nécessiteux, vivant au-dessus de leurs moyens, grands frimeurs devant l’Éternel, hyper-endettés auprès des banques, des prêteurs-à-intérêts, des Libanais, des Maliens et de surcroît, soumis à une demande sociale très forte en raison de la démission de l’assistance sociale de l’État.

Le député en effet supporte pour ses populations, les frais funéraires, les frais médicaux, les évacuations, la rentrée scolaire, les évènements familiaux, les interventions sociales, etc. C’est la première personne qu’on appelle en cas de difficultés. Une sorte de SAMU social, quoi ! Comment assumer tout ça avec une indemnité de 1.300.000 F à l’époque ? Moins que le salaire d’un fonctionnaire hors hiérarchie ! Très très en deçà des fonctionnaires des régies financières. Quelle désillusion pour les gars des Impôts, de la Douane, du Trésor ou du Pétrole qui se retrouvent députés à l’Assemblée. Le jour et la nuit !

J’ai donc mené ce combat, avec les encouragements de mes collègues mais en plénière, face au PAN à qui je faisais observer que les députés du PDG n’en pensaient pas moins, ceux-ci m’ont publiquement désavoué ! Seigneur, pour leur propre bien ?

Le combat a porté malgré tout, une revalorisation a été concédée par la suite, mes collègues m’en ont félicité tout en m’avouant qu’ils ne pouvaient pas me soutenir publiquement. Merci ! Les députés de la 12e législature, quant à eux, ont eu une dotation gratuite de pick-up Ford, j’étais déjà parti.
Revenons-en à l’objet principal de mon propos pour parler des sénateurs. Incroyable !

Vous êtes au nombre de 102. Des acteurs politiques se réunissent à Angondje sans vous et concluent sur votre dos à la réduction de moitié de vos effectifs. Le texte vous est ensuite soumis. Vous votez comme un seul homme, "Alléluia ? Amen !".

Vous voilà en fin de mandat, c’est à dire, à un moment où vous n’avez plus rien à perdre, vous votez à mains levés que certains d’entre vous soient nommés sans autre forme de précisions. Le seront-ils parmi les 53 ou en plus ? Dans quelle proportion ? Dans quelles circonscriptions ? Seront-ils choisis au sein des conseils locaux ou aussi en dehors ? Quels seront les critères ? Vous avez voté les yeux fermés, "Alléluia ? Amen !".

En Orient, on appelle ça, se faire Hara Kiri, c’est le Sepuku, en japonais, le suicide. Encore que, sous ces cieux, on se suicide pour défendre son honneur, laver une indignation, pas comme le cas ici, tendre la joue gauche quand on vous a giflé à la joue droite.

En janvier ou février 2021, en pleine intersession, le Gouvernement va légiférer par ordonnance et vous ne serez plus là en mars pour ratifier. Votre sort sera scellé sans vous, à froid. Sauf pour ceux qui ont "les bras longs", personne ne tiendra compte de vos états de service, de votre militantisme zélé, de votre loyauté, de votre "fidélité sans partage", de vos interventions et posts à la gloire du DCP. Je donne rendez-vous à la plupart d’entre vous qui ne seront ni reconduits, ni nommés, ensemble nous allons partager votre chagrin et qui, sait, sûrement, changerez-vous de pas de danse. Après tout, qui fournit à l’Opposition ses leaders charismatiques ? Le PDG, pardi !

Je conclus en posant cette question : après avoir approuvé l’homosexualité et surtout leur propre liquidation, les parlementaires PDG peuvent-ils, unanimement, dire NON à la vente d’une partie du territoire à des puissances étrangères ou à des multinationales ? Par exemple, si c’était passé par la loi, auraient-ils approuvé la cession des titres fonciers de l’État à la CDC, utilisée ensuite en hypothèque en échange de prêts ou d’investissements étrangers, objet du combat de la plateforme "Touche pas à Ma Terre  !" ?

Continuez ! Après tout, invariablement, le peuple vous a toujours suivi et soutenu ? Depuis 1990, retour de la démocratie, d’un scrutin à un autre, vous raflez tout et partout, du sommet à la base. Pourquoi changer ?
Joyeuses fêtes à tous ! Sauf autre motif, si ça ne dépend que de ma santé, on se retrouve avec bonheur en 2021 et après.
Qui me cherche, me trouve à Moanda 3.

Jean Valentin Leyama, 31 décembre 2020.

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