Recommandation de suspension du PDG : L’Ancien Procureur de la République, Nestor Bingou, esquisse la procédure de mise en œuvre de cette recommandation

2 mai 20240
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Le dialogue national inclusif, débuté le 02 Avril 2024, s’est achevé ce mardi 30 Avril, avec la cérémonie officielle de remise du rapport final des recommandations, au Président de la Transition, Chef de l’Etat. Au nombre de ces recommandations, figurent en bonne place, la suspension, pour trois ans, du parti démocratique gabonais (PDG) et l’inéligibilité de ses dirigeants. La transformation de cette recommandation, en mesure exécutoire, exige tout de même la mise en œuvre de la procédure appropriée, au risque pour les autorités de la transition de se voir opposer des recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat.

Un choix s’impose aux autorités de la transition : la procédure administrative (I) ou la procédure judiciaire (II).

I- La procédure administrative

Elle est dictée par les articles 28, 29 et 30 de la loi gabonaise sur les partis politiques. Ces dispositions traitent des conditions de mise en œuvre de cette procédure (A) et des sanctions applicables par l’autorité en charge de l’Administration du territoire (B).

A- Conditions de la procédure administrative

La procédure de suspension d’un parti politique par l’autorité administrative (Ministère de l’Administration du territoire) n’est envisageable qu’en cas de réalisation des conditions prévues par les articles 3, 10, 11 et 22 de la même loi sur les partis politiques. Il s’agit notamment de : l’expression du suffrage universel par des moyens non démocratiques (art 3), la mauvaise tenue des états d’adhésion des membres du parti (art 10), le défaut de conformité des états d’adhésion (art 11), et la fraude fiscale relatives aux activités lucratives du parti (art 22).

Lorsque l’une de ces conditions se réalise, la mise en œuvre des sanctions y relatives nécessite préalablement : une enquête de police ordonnée par le Parquet et établissant la véracité des faits reprochés au parti politique, l’obtention de l’avis de l’Assemblée Nationale et l’adoption, en conseil des ministres, de la sanction par le gouvernement.

B- Sanctions

Les sanctions administratives, susceptibles d’être mises en œuvre, contre un parti politique, sont notamment : la mise en demeure (avertissement), la suspension des activités des dirigeants du parti, pour une durée ne pouvant excéder trois mois, et en cas de récidive, la suspension des activités du parti pour une durée n’excédant pas trois mois. La procédure administrative semble alors ne pas offrir des outils légaux nécessaires à la mise en œuvre de a recommandation du peuple sur la suspension des activités du Parti Démocratique Gabonais, pour une durée de trois ans.

II- La procédure judiciaire

Il s’agit précisément de la procédure pénale, qui consiste à identifier les faits répréhensibles (A) avant l’application des sanctions y relatives (B)

A- Les faits et la procédure

Les commissaires au Dialogue national inclusif, sur la foi des 38000 contributions citoyennes, ont retenu entre autres préoccupations soulevées par les Gabonais, des forts soupçons de délinquance publique orchestrée par le Parti démocratique gabonais et ses dirigeants depuis 2016. Il s’agit notamment des soupçons, de fraudes électorales ayant conduit le pays dans des violences meurtrières, de l’usage illicite du patrimoine matériel et financier de l’Etat au profit de ce parti politique, de la création des partis politiques fictifs dans le seul but de fausser le jeu démocratique, etc. Ces faits sont autant réprimés par le code pénal gabonais que par le code électoral encore en vigueur sur notre pays. La clameur publique suscitée par l’annonce de cette recommandation de suspension pour soupçon délinquance publique, suffit pour décider le Procureur de la République à déclencher l’action publique contre cette formation politique et ses dirigeants.

B- Sanction

Si les faits soupçonnés sont établis contre cette formation politique et ses dirigeants, le juge pénal peut prononcer à leur encontre, outre les sanctions pénales proprement dites, la suspension ou la dissolution de cette formation politique, l’inéligibilité de ses dirigeants, ou les condamnations aux réparations civiles. Cette voie nous paraît la plus légale pour la mise en œuvre de cette recommandation du peuple.

Nestor BINGOU
Ancien Procureur de la République

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